Le traducteur (du moins celui de l’édition récente dont Doriane me parlait, car j’imagine qu’il y a dû en avoir plus d’un depuis un siècle et demi et particulièrement pour ce type de texte) l’a-t-il appliqué ? Et s’est-il préoccupé des fautes de syntaxe, d’orthographe, du dialecte utilisé, de la manière de parler des « nègres » (et de celle de Huck qui s’exprime à la première personne à la différence de Tom), en un mot du style parlé, et si oui, comment s’en est-il sorti ? Mais pourquoi attendre d’entrer une librairie puisque j’ai le monde au bout de mes doigts ? Je viens donc de faire une recherche. Je suis tombé sur un site qui propose une traduction. Ce site est apparemment anglo-saxon, il s’agit d’une traduction pour The Library of the University of Illinois et le nom du traducteur est manifestement anglo-saxon. Je lis les premières lignes et je n’y crois pas : passé simple, imparfait du subjonctif, écriture académique, lisse et sans la moindre incorrection... Qu’est-ce ? Mais je viens d’en découvrir un autre qui mentionne une édition apparemment récente qui serait intégrale (il n’y en aurait eu pas d’autre auparavant ?) et qui restituerait le texte d’origine. Ils en proposent un extrait. Voici la traduction de Hughes pour la Bibliothèque de l’Université de l’Illinois : « La veuve Douglas, à qui j'avais rendu un grand service, m'adopta, comme je l'ai dit, et déclara qu'elle voulait essayer de me civiliser. J'étais habitué à vivre à ma guise et ça ne m'allait pas du tout de rester enfermé dans une maison, de me lever, de manger, de me coucher à heure fixe. Et puis, mes habits neufs me gênaient. A la fin, je n'y tins plus et je décampai, après avoir repris mes vieilles nippes. Pour la première fois depuis longtemps je me sentis à l'aise, libre et content. J'avais retrouvé le tonneau où je dormais sans me donner la peine de me déshabiller. » À présent, le même passage aux éditions Tristram (le nom du traducteur n’est pas mentionné) : « La veuve Douglas, elle m’a pris chez elle comme son fils et elle se disait qu’elle allait me siviliser ; mais c’était plutôt dur de vivre dans la maison tout le temps, vu que la veuve avait une manière de vivre horriblement régulière et convenable ; et donc, quand j’en ai eu pour mon compte, je me suis tiré. J’ai remis mes vieux haillons, et j’ai retrouvé ma barrique de sucre, et j’étais de nouveau libre et satisfait. » Tout commentaire est inutile, encore que même la seconde, très bonne, soit encore trop lisse (il faudrait voir le reste), et je me demande d’où sort le texte utilisé par le premier, puisque la seconde traduction correspond bien à l’original : « The Widow Douglas she took me for her son, and allowed she would sivilize me; but it was rough living in the house all the time, considering how dismal regular and decent the widow was in all her ways; and so when I couldn't stand it no longer I lit out. I got into my old rags and my sugar-hogshead again, and was free and satisfied. »

 

6 décembre 2011