
J'ai commencé et presque achevé ce merveilleux petit
livre. Toulet est connu pour être injustement méconnu. De lui, je
sais simplement qu'il est de la fin du XIXe ,
qu'il a eu une relative notoriété et importance à son époque. Bouquins chez
Laffont a édité l'intégrale de son œuvre. Bref, c'est le premier de lui
que je lis. Le titre ne me disait rien qui vaille et dans mon
esprit, pour une raison que j'ignore, je ne voyais pas Toulet associé à ce
genre de titre. J'ai même vérifié dans le dictionnaire s'il s'agissait bien du
même. C'est le même. Je n'étais pas très chaud en commençant ;
à présent, je suis enchanté, charmé, charme et enchantement qui vont justement
très bien avec ce divertissement, cette espèce de fantaisie sur
Don Quichotte dont Toulet se charge de poursuivre l'histoire. C'est
plaisant comme un conte, comme une histoire que l'on se raconte en buvant un
coup. De plus, et c'est bien ce qui fait l'enchantement, l'écriture n'est pas
loin d'être superbe. Fine, élégante, avec un rien de préciosité qui n'en est
pas parce que c'est contrôlé et personnalisé : il joue le jeu d'une langue
(mais peut-être écrit-il toujours comme ça), mais en la personnalisant. Si je
puis me permettre, j'y ai vu, dans les meilleurs moments, des traits et des
formes qui me ressemblaient beaucoup. Et parfois, si je puis me permettre
encore, ce n'est pas loin d'être proustien... C’est de 1924,
paru aux Éditions Le Divan et on dirait bien une première
édition. Je lis à l'instant dans le Robert : « une
rare virtuosité technique, une préciosité et une fantaisie charmantes. »
J'y étais en plein. Cependant, c'est à voir, car ici ce
genre de style colle tellement bien avec le sujet que je me demande si ailleurs
ça ne tournera pas au procédé... À voir. (N.B. :
l'abondance des « malgré que ».)
15 janvier 1990 (dans une lettre à Marcel)