Midi, soleil, bureau, ma salle, Sylvie Plath en tête, l’envie d’écrire et tout à coup un coup de fatigue phénoménal. Cigarette. Sylvia m’a saisi, attrapé, je ne peux m'en défaire et s'il n'y avait la masse imposante de ce pavé, je l’aurais pris avec moi, ici, pour qu’il m’accompagne toute la journée. Elle a dix-huit ans, et le moindre de ses mots m’accapare, réflexions, poèmes, introspection, révolte, rencontres, visions, et le style que j’ai du mal à imaginer spontané, non travaillé ; et cette lucidité (prématurée, précoce ? mais l’est-elle tant que cela ? n’est-ce pas moi, si je compare ce qu’elle écrit et ce que j’ai pu écrire au même âge, qui étais – est ? – un peu attardé avec mes petites bricoles de lycée et des détails de quatre sous alors qu’elle sonde le monde, se sonde, compare et oppose les deux ?) qui m’a fait penser qu’elle ne pouvait faire autrement que de mourir à trente ans (qu’elle se soit donné la mort ou non), comme si tout avait été épuisé, comme si à dix-huit ans, elle en avait déjà cinquante et qu’en réalité c’est au bout de la vieillesse qu’elle est décédée. Et j’ai pensé à d’autres comme elle (Rimbaud ? Hesse – Eva [encore que ça soit un peu différent] qui ont pensé vite, et écrit vite et bien, trop vite pour un trop jeune âge, un âge qui n’a pu le supporter et a précipité leur existence. Est-ce une loi ? y a-t-il une logique ? (Oui, sans aucun doute. C’est une vie mentale trop forte tout à coup. Compression d’une existence.)

 

18 mai 2005