C’était hier, je venais de prendre mon petit déjeuner, m’installais dans le sofa jaune du jardin d’hiver pour y poursuivre Une vie divine avec ma première cigarette tout en n’omettant pas de jeter un œil aux deux derniers numéros de L'Immonde encore dans leur emballage (mais en pensant que je disposais de deux jours pour en prendre connaissance, ouf). Il y avait la perspective du départ proche pour me rendre chez ma mère, mais je me sentais parfaitement joyeux à l’idée de reprendre cette lecture. Et puis, ça a été la dégringolade, la chute, l’écrasement. Une page, deux, pour que tout à coup apparaisse devant moi non un texte alerte, vif, libre, subtil, gai, insolent (?), mais une lamentable supercherie. En quelques mots, au seuil de la bissectrice du livre (qui forme bien un bel angle lorsqu’il est posé ouvert sur son dos), c'est-à-dire à la deux cent quarante-troisième page, a éclaté cette évidence que Sollers ne disait rien, qu’il n’avait rien à dire, que ce que je prenais pour un habile et fin montage n’était en réalité que la manifestation de la vacuité, que le procédé de la citation que je voyais comme un bel éclairage à la narration d’une existence (non) n’était que le comble d’une concavité, que le cache à une incompétence. Ce qui était une sorte d’astuce narratrice se transforme en procédé, justement, et pire, en système. En bref, en quelques mots, j’en ai été complètement saturé, gavé, et, sans doute, écœuré. Je l’ai refermé, ne l’ai pas rouvert ce matin à fin de vérification...
8 mai 2006