Tu peux imaginer le bond que j'ai fait, puis les dix lectures successives que
j'ai faites de cette phrase, pour y chercher je ne sais quel sens caché, quelle
ironie sous-jacente. Mais rien. Alors je me suis reporté à Signe ascendant
d'où elle est tirée en espérant que le contexte en change le sens et prouve
ainsi que Bréchon s'était fourvoyé. Mais non. C'est bien la même phrase, et le
contexte ne fait que confirmer que le mot comme
était effectivement exaltant... Comment expliquer cela ? Comment ai-je pu lire
l'inverse à cette époque ? Ce serait tout à fait possible (j'ai bien cru pendant
plus d'un an que le prénom d'Agostinelli était Albert alors que j'avais lu mille
fois Alfred) s'il n'y avait le fait que cela m'avait frappé, et j'avais gardé ce
choc en mémoire jusqu'à aujourd'hui ; un choc tel que, même maintenant, devant
l'évidence, je doute encore et ne peux m'empêcher d'y voir de l'ironie (ai-je
été influencé par le « tu » en italiques qui dans mon esprit signifiait
qu'effectivement il fallait le taire, et donc l'abolir ?), et je me dis même que
si, effectivement, il faut prendre la phrase telle qu'elle est (c'est évident,
mais je n'en démordrai pas), je me dis que Breton se trompe, que le mot
« comme », dans l'optique du surréalisme tel qu'il se définit ne peut être
admis, ne peut être exaltant, est quasiment paradoxal... Évidemment, parti sur
une proposition que j'ai faussement interprétée, je me suis fait une idée toute
particulière et personnelle de ce point de langage. Je suis déçu ; j'aimais tant
cette nuance qui, si négligeable puisse-t-elle paraître, me semble énorme,
capitale et belle, et je m'étonne qu'elle n'aie pas été perçue, car si
manifestement Breton privilégie le tu au prononcé, il n'empêche
qu'il admet volontiers les deux...
14 mai 1990