Trouvé chez Emmaüs. Livre d’histoire en polonais sur l’occupation allemande à Varsovie durant la dernière guerre. Je l’ai pris pour l’iconographie, mais avant tout pour sa relation indirecte avec la dernière expo d’Antek à Cracovie et ce qu’il m’en avait dit avant son départ. Je pensais d’ailleurs le lui proposer. Je l’ai fait, mais il n’en a pas voulu ; il ne veut pas (plus) entendre parler de cette période. J’ai d’ailleurs l’impression d’avoir fait une bourde en le lui proposant ;  je m’étais imaginé, un peu stupidement, que son intérêt ponctuel pour une photographie – qui lui a inspiré son travail à Cracovie – pouvait s’étendre à toute l’histoire de cette période. Je me suis trompé, erreur grossière de ma part… J’ai feuilleté ce livre de bout en bout, ai en vain tenté d’en déchiffrer le texte, puis, par bribes, de le lire. Peine perdue. C’est désespérant. Je n’y comprends que quelques mots, ai un mal infini à prononcer à haute voix une ligne entière. J’ai tout perdu ; il ne me reste rien de cette langue qui, d’une certaine manière, est mienne. Elle l’a été durant quelques années, celles de l’enfance où j’avais l’acquisition de deux langues : celle de mes origines et celle du pays où je suis né. Celle du pays l’a emporté, et depuis, le polonais est devenu une langue étrangère, bien que je l’aie beaucoup entendu parlée autour de moi, même si je le comprends vaguement, encore que ce soit celui déformé des grands-parents, et des immigrés de l’entre deux-guerres en général, issus des campagnes et fortement influencés par les multiples occupations, dont l’allemande, du moins en ce qui concerne ma famille. J’ai bien tenté, il y a quelques années, de la « réapprendre » à l’aide d’une méthode ; mais ce que j’en savais, en connaissais était largement insuffisant pour dépasser les bases premières de cette langue hautement complexe, et je me suis du reste demandé comment une personne complètement étrangère à cette langue pouvait seulement espérer l’aborder, ne serait-ce qu’au niveau de la prononciation (seule chose qui me reste, qui fonctionne encore)… Je ne désespère pas un jour de m’y remettre… Je relève, à la page 64, une photographie d’époque assez effrayante : corps décharnés entassés dans une charrette dont l’un est porté à bras le corps par un homme qui fixe l’objectif d’un air inexpressif. Cette photographie, à la mauvaise définition, a été manifestement retouchée ; cela lui donne l'aspect d'un dessin, d’une image entre la photo et le dessin, impression floue qui accentue le malaise qu'elle provoque...

 

13 janvier 1998