Il y a aussi l'appel des sens que je pense, malgré tout, naturel (quoique ça rejoigne le voyeurisme), mais qui ne justifie pas l'intérêt, ou la curiosité... Alors. Que dire ? Comme le dit un peu bêtement la quatrième de couverture : « c'est tellement bien écrit que c'en est plus scabreux. » Mais qu'est-ce que c'est, alors ? Il me paraît presque évident qu'il s'agit d'une sorte d'hymne à l'innocence, au « naturel » ; ou plus simplement au plaisir, au désir, à l'amour : il les aime, elles l'aiment, c'est tout. Mais malgré tout, je ne parviens pas à me défaire de l'idée d'une certaine perversité, ou plutôt d'une malhonnêteté (en particulier dans ce livre, et non en général) à la fois de l'auteur et du personnage principal. Ce n'est pas le cas dans Lolita (mais la démarche est très différente), que je reprends comme exemple puisque, quoi qu'on fasse, c'est le modèle, la référence, le prototype... Existe-t-elle ou est-ce moi qui le vois ainsi, moi qui n'ai aucun préjugé d'aucune sorte à ce niveau-là (est-ce si sûr ?), mais qui malgré tout aurais gardé je ne sais quel reste de je ne sais quoi (éducation ?) qui me le ferait désapprouver, presque malgré moi. Si je me fais bien comprendre... De la même façon que dans la grande majorité des cas, les scènes de lit en images m'emmerdent ; non qu'elles me gênent ou me choquent, mais elles m'emmerdent : je n'en vois pas l'intérêt. D'un autre côté, il est idiot de ne pas les montrer. Mais comment bien les montrer ? Et je crois bien que c'est ça : comment bien les montrer ? bien les écrire ? Et ici est-ce suffisamment bien écrit, dit, montré, pour que je puisse y adhérer totalement, sans arrière-pensée, sans conditions, sans soupçons ?... Je n'en sais rien. C'est en tout cas troublant ; suffisamment pour que je l'aie terminé et pour que j'en parle tant (mais n'est-ce pas de ma part une forme de timidité qui m'empêcherait de dire tout simplement et sans restrictions : c'est de l'amour et c'est beau ?).

3 décembre 1990 (dans une lettre à Marcel)