Pour mémoire : les toits à quatre pans que l'on voit beaucoup dans le Kent ; les pubs à l'image des Kneippe allemands, le poids du temps en plus ; le visage très typé des Anglaises, particulièrement les jeunes filles ou jeunes femmes. Plutôt, les jeunes filles. Comme si une nouvelle génération était en route, d'un nouveau genre, avec de nouvelles caractéristiques ; forte poitrine en général et une tendance à l'aguicherie, au dévoilement du corps, soulignement des formes ; les adolescentes qui servent dans les pubs ; on rencontre très peu de belles et même de jolies filles.
Je relève sur une page une note
crayon gris prise au jardin :
« Chaque fois que j'entends le carillon de la Mairie de
Roubaix, j'ai l'immédiate et précise sensation (conviction) de
me trouver quelque part entre le moyen-âge et la paix de Sedan
dans une bourgade flamande prospère et quiète. 14 h 00... »
L'heure du carillon, je présume.
21 h 00. Attente dans la voiture de l'hovercraft qui a du retard. Nous préférons la voiture au lounge, lieu sordide au possible avec cette nouveauté, sans doute tentative de racolage, un écran géant diffusant des clips. Des grosses mangent des frites, des gros boivent des pintes en déambulant, des jeunes à même le sol jouent la révolution de bazar. Nous lisons. J'ai momentanément mis de côté Sula pour revenir à Brandys...
10 h 45. CRAM. Pour une semaine. Après ce sera
une quinzaine de jours de vacances :
Ashford, de nouveau,
peut-être, puis l'Italie, une semaine. Beau programme...
(Vouloir faire de l'image et de la narration à partir de ce qui relève du plus pur mental est de l'imbécillité ; ou de l'hérésie...)
J'écoute en tapant l'un des CD
de Sonic Youth que j'ai achetés ce midi :
Sonic Youth/Jim O'Rourke. Expérimental, décevant, déjà
dit...
Susan a eu confirmation pour Ashford la semaine prochaine ;
nous (re)partons donc...
À partir de ce soir jusqu'au 13 septembre, je
suis en congés.
Une semaine à Ashford, l'autre à Lucca.
Arrivo, Giacomo !
Je viens d'achever Carnets. Parvenu aux dernières lignes, j'ai eu l'envie de voir un film de Kieslowski ; polonais, bien sûr... (p. 21 : « Peut-on dissocier la personnalité de l'artiste de son uvre ? (Le gouvernement de Varsovie est de cet avis : il a laissé imprimer des livres d'écrivains emprisonnés pendant l'état de guerre. L'auteur physique était derrière les barreaux mais il pouvait emprunter à la bibliothèque de la prison son propre livre, lui-même spirituel. Le corps est une chose, l'esprit en est une autre. Une idée extrêmement intéressante, surtout pour les Marxistes.) »
Notes crayon gris sur pad :
Dimanche, THE LEAS, 5.45.
Résumé : DOVER, DEAL (boot fair - brocante),
SANDWICH, RAMSGATE (boot fair). Puis à la recherche
d'un B & B pour la nuit : DOVER (Longfield,
bungalow), FOLKESTONE, HYTHE, SANDGATE, FOLKESTONE de nouveau :
le B & B de la voiture, puis le Travel Inn
près de l'autoroute qui nous envoie au BURLINGTON HOTEL,
palace face à la mer, ici, aux Leas. Chambre 121...
Promenade au soleil, la fanfare INVICTA CONCERT BAND dans le kiosque face à la mer. Lecture sur le banc.
Depuis ce matin, je lis le tome II du Journal de
Gombrowicz...
Est-ce les côtes de France que l'on voit d'ici ?...
12 h 30. Le temps est exécrable. Je sors de chez le coiffeur...
Sanisettes : la vision de sa propre merde
entassée au fond d'un pot de faïence
glacé en forme de cul est
assez saisissante... Tout cela en lisant le journal de
Gombrowicz.
Déballage sur mon bureau : je constate avec un certain amusement que la majorité des choses qui s'y trouvent n'ont pas le moindre rapport avec mon emploi : un sachet contenant Télérama et deux Que sais-je ? achetés en solde tout à l'heure chez Maxi-Livres, qu'accompagne un flacon de shampooing chic ; le dossier Ashford ; un bloc-notes grand format ; le présent journal ; le dossier Tabac 2 ; un baladeur contenant une cassette Bach : Richter/Gould ; mes lunettes de soleil ; mon matériel de fumeur ; mes clefs de voiture ; une plaque de chocolat entamée...
LEAS Lundi BANK HOLYDAY. Midi. Dessin de la balustrade dont le faîte se confond avec l'horizon. Moi, assis sur notre banc : la ligne supérieure de la balustrade se confond exactement avec l'horizon (mais je constaterai une demi-heure plus tard que l'horizon s'est haussé !).
(Pour une série/hommage de
composition
pour piano : ABAQUE...)
14 h 00. Après une petite promenade sur le front, je suis assis sur un autre banc. Certains d'entre eux portent une plaque de cuivre sur leur dossier. La mienne dit : IN MEMORY OF EDIE O'BRIEN 1901-1989. Je suis assis sur une tombe.
L'Opéra et l'opéra comique,
Frédéric Robert. Que sais-je ?
Que de l'historique, et à peine deux pages consacrées à
Puccini.
Pourquoi m'attacherais-je à un tel livre ?...
13 h 30. Je m'étais promis (juré ?) de ne rien écrire dans ce carnet durant toute la semaine : vacances : lire et ne m'occuper que de mes textes en cours. Et puis, c'est irrésistible. Je lis et je pense aux notes que je ne prends pas. D'autant que c'est un journal que je lis, et à ce que note G., j'ai envie d'ajouter mes propres notes, comme un parallèle, une réponse, un dialogue entre lui et moi : lui en 1960 en Argentine ; moi maintenant, en Angleterre. Alors, je succombe et je tire le carnet de mon blouson pour le remplir de notes... Suis dans le Leas tea-shop où je prends un café. Temps merveilleux. Paix, tranquillité. Ça déambule, il n'y a pas trop de monde. Cet endroit est extraordinaire. Nous parlions Susan et moi, hier, l'arpentant en fin d'après-midi, par le bas, par les chemins escarpés, par les foot path, par l'allée sinueuse qui permet l'accès à la mer. Puis, le soir, au retour du pub excellent déniché in extremis dans la ville déjà éteinte à 21 h 00. Retour sur le front de mer, le front somptueux appelé Leas. Retour jusqu'à l'hôtel somptueux, Burlington, où par une sorte de miracle nous avons réussi à trouver une chambre et réussi n'est pas le terme car elle nous est tombée littéralement dessus , retour au clair de lune, la lueur sur la mer calme avec les lumières de la France à l'horizon, la lune plaquée sur la mer qui les vagues, les lumières, la légère fraîcheur nous a transportés à Cadaqués. Cadaqués sans le rattle invisible d'une barque au milieu de la baie, ce bruit métallique d'une chaîne contre le plat-bord peut-être qui ponctuait la rumeur de la ville et celle des vagues le jour et la nuit. Et particulièrement la nuit où l'on n'entendait que ce son au milieu des phares, des réverbères, des terrasses éclairées, des loupiotes au bout des mâts. C'était donc cela, ce soir, hier soir, sans le son... Je suis là, je lis G. et son journal. Plus j'arpente ce lieu, plus je le trouve magnifique. Nous disions hier, que nous devrions un jour habiter ici, l'habiter (mais nous l'habitons déjà, comme il nous habite). Nous l'avons dit pour d'autres lieux, mais c'est vers celui-ci que je reviens, les Leas avec la France en face et, à droite, Dungeness au loin. De ma place, je vois, à travers la vitre, un bout de falaise entre un immeuble et le faîte d'un arbre. Est-ce Douvres ? (discussion hier entre S. et moi : la côte à l'horizon, et les falaises, que je crois être la France et elle Douvres. À élucider...)
Découverte du funiculaire à eau : une cuve
sous chaque cabine. Celle du bas se vide
au profit de celle du
haut qui se remplit. J'admire ce type simple d'ingéniosité
pure...
(Hier, coup de fil d'Antoine
Jurga de ddo
qui me demande
quelques renseignements au sujet de l'actualité
du Lys...)