Au retour du centre, je me suis installé à la table du bout du jardin, au soleil, avec un thé et des biscuits. Éléonore y était, lisait Blindness de Saramago, moi le Siou à Mers-el-Kaeir. Je l’avais dans ma boutique, avais voulu vérifier sa cote, avais constaté qu’il avait disparu du catalogue, l’avais feuilleté sans savoir qu’en faire avant de l’entamer. Je l’ai entamé en pensant à mon père qui avait été marin quelques années plus tard, à la fin de la guerre, et avait aussi été en Afrique du Nord ; c’est ce qui m’a poussé à y jeter un œil, comme s’il s’agissait de sa propre histoire qu’il voulait me raconter par le biais d’un autre. (Si j’excepte le livre du Richelieu et quelques photos, je ne sais rien de cette période de sa vie – m’en avait-il parlé, je ne m’en souviens pas – ; il y avait aussi l’histoire de Guitou, l’un de ses camarades marins qu’il aimait beaucoup ; son prénom était Guy, Guitou son sobriquet, il était du Sud – « je l’aimais tellement que je m’étais dit que si un jour j’avais un fils, je l’appellerais Guy »…) C’est notre première sortie au soleil cette année ; Éléonore m’a dit que je devrais le mentionner dans mon journal, c’est fait (je l’aurais fait, de toute manière). C’était très agréable, et il y avait si longtemps que nous n’avions pas été à lire tous les deux…

 

12 février 2022