Je suis monté pour commencer à mettre en ligne les livres de chez Emmaüs, une bonne cinquantaine. J’avais fait un tri, mis de côté ceux que nous avions déjà et qui, sans doute, iraient sur les étagères des doubles. Il y avait un Louison et Molière et un Petit Prince. Par acquit de conscience, j’ai vérifié s’ils étaient en vente ; à ma grande surprise, je n’avais pas Le Petit prince. Je suis allé vérifier sur les étagères ; il y était, mais dans une édition antérieure. Je me suis donc apprêté à le mettre en vente. Il est en parfait état, je l’ai feuilleté à tout hasard, il était propre, sans annotations, mais au moment où j’allais le reposer, j’ai remarqué que la page de garde comportait un texte manuscrit. Je l’ai lu, puis de nouveau feuilleté et cette fois vu de multiples (et très discrètes) annotations qui accompagnaient la majorité des dessins. L’écriture est appliquée et délicate, et c’est sans doute celle d’une adolescente, voire d’une enfant. Cet exemplaire me semblait trop précieux pour être vendu et, comme je ne l’avais jamais lu, j’ai décidé de le conserver pour moi (j'ai finalement offert le pop-up à Armel pour son anniversaire). Je l’ai aussitôt entamé pour le terminer en bas en fin de soirée. C’est un joli texte (écrit en 1943, pendant la guerre) ; j’aurais aimé avoir été un enfant au moment de lire ce texte. (Ce livre est quasi neuf et je me demande comment elle s’est débrouillée pour y écrire sans laisser d’autres traces de son passage que celle de ses mots.) Comment ce livre a-t-il échoué chez Emmaüs ? (Elle ne l’a pas remis à son destinataire et s’en est débarrassée ; elle le lui a remis et il n’en avait rien à faire et s’en est débarrassé ; elle ne le lui a pas remis, l’a oublié sur une étagère, a grandi et sa mère a fait le ménage des livres de la maison ; elle le lui a remis, il l’a reçu avec émotion, l’a lu, l’a rangé parmi ses livres et, lors d’un déménagement, un carton s’est égaré…)
30 novembre 2014