Je lis Proust par Sollers, suis en plein dedans, et tout à coup j’entends un bruit, bruit d’une tôle qui tombe sur le sol. Je sursaute, lève les yeux vers l’origine présumée et probable de ce bruit : un jeune gars à casquette états-unienne se tient contre la fenêtre au-dessus de moi, un ouvrier qui auparavant faisait aller son motoculteur dans la pelouse entre les fenêtres et l’autoroute. Il avait abandonné son engin, s’était approché de « ma » fenêtre pour propulser je ne sais quel bac contre le sol. Je ne l’avais pas vu, lisais (et lui m’a-t-il vu en train de lire ?) et en jetant son machin qui résonne et me fait sursauter, il me tire de mon bain, puis s’éloigne sans m’avoir concédé un regard ; peut-être ne m’a-t-il pas vu, peut-être du fait de l’angle ne peut-il me voir. Il n’empêche que ma première réaction, après le sursaut, a été de fermer le livre et de le pousser devant moi sur le bureau afin qu’il échappe à son regard. Je ne voulais pas qu’il me voie. Pourquoi ? Ai-je, durant cette fraction de seconde, senti comme de l’indécence à être là en train de lire tandis qu’il crapahute avec son truc toute la journée ? (De l’abîme entre deux mondes, le sien et le mien, tout à coup confrontés – où est-il à présent ?...)