Je passais devant la bibliothèque d’Éléonore.
Coup d'œil, un nom m'accroche : Sollers ; puis un titre : Une curieuse
solitude, Livre de Poche. À côté, Femmes en Folio, puis : Une
curieuse solitude de nouveau, mais dans son édition originale, Seuil, 1958
(Éléonore conserve les doubles en cas de prêt). Machinalement, ma main s'y
porte, l'extrait. Je me demande alors si je l'ai, si je l'ai lu, même. Je ne le
pense pas. Alors, je m'assois et entame la première page ; la convention du
style et l'évidence des influences (il dira qu'il l'a fait exprès) me font
sourire. Je poursuis en ne pouvant m'empêcher de sursauter et de rire au fil des
phrases où un mauvais Proust se dessine sans cesse (il a dû le faire exprès),
avec des zestes de Mandiargues, par exemple (mais dans ce cas, c'est l'air du
temps), ou de n'importe quel autre auteur pourvu que ça ne soit pas lui,
Sollers ; son absence est d'une telle évidence que ce texte aurait pu tout aussi
bien avoir été fait par une machine ou été un laborieux collage de passages
empruntés…