J’ai pensé cette lettre, l’ai programmée pour la fin de la lecture. À la fin de la lecture, j’ai posé le livre et n’ai rien fait. Si. Au bout d’un moment et en relation directe avec une note prise quelques minutes auparavant, j’ai pris connaissance de la date de publication, 1997, et suis allé faire une recherche sur le site de L'Immonde. J’ai trouvé un article de 1998 à son sujet. Cet article est bête et plat, à ce point que je me suis demandé si le chroniqueur l’avait bien lu. Aussitôt après, je me suis décidé à écrire tout ce qui précède, puis me suis préparé à rédiger cette lettre à Gélase. Mais auparavant, je suis allé sur le site pour me remettre en mémoire les autres livres de Saramago que j’avais lus. C’est ainsi que j’ai découvert qu’il y a un an et demi que L’Aveuglement se trouve dans la souffrance. Il est inutile que je m’étende sur les lois obscures qui gouvernent les livres, les livres non lus en particulier, et les livres non lus à demeure encore plus particulièrement, c’est-à-dire ceux qui ont déjà effectué le trajet d’un rayonnage (ou d’un bac, ou d’un trottoir) à un autre, sont dans l’attente, dans la patience, ceux devant lesquels je passe, que je vois, regarde parfois, tire avant de les remettre en place, tire et feuillette avant de les remettre à leur place, tire, feuillette et dont je survole quelques lignes avant de les remettre à leur place. Ceux qui enfin, un jour, sont élus, et par conséquent lus (quoique par forcément) sans raison particulière (ou des raisons qui n’appartiendraient qu’à la science et cette science-là n’a pas beaucoup d’intérêt), sans que je sache pourquoi et sans que je veuille vraiment le savoir. Il est là, dans ma main, son tour est arrivé, est arrivé le temps pour lui de livrer son secret. L’autre jour, c’était l’énigmatique Movie Heaven, hier, ça a été L’Aveuglement. Je l’ai pris, regardé, ai pensé que ça ne pouvait pas être un mauvais livre, encore que L’évangile selon Jésus, ne m’ait pas transporté, sans doute pour la même raison pressentie, l’étirement. Et puis je l’ai entamé. Et j’en reviens à cet article bête et plat, à cette dame ou demoiselle qui dit en une page et quelques milliers de mots ce que d’évidence n’importe quel lecteur parvenu à la troisième page a compris immédiatement : c’est une réflexion sur l’humanité. Elle n’avait rien à dire et le fait très bien sentir, en ne trouvant au texte qu’un seul défaut, celui de comporter des « réflexions emberlificotées ». C’est précisément ces réflexions qui en font le ton, le ton qui le rend bouleversant...  

 

17 novembre 2006