Et tandis qu’elle verse, transvase et remplit, l’œil cueillant au passage le visage de feu Barnard – le bon Babar, près de son automobile neuve, qui n’est même plus une émulsion sur papier photographique puisque du cadre elle ne voit désormais plus que le verre, puisque de toute façon jamais personne ne le regarde et cette dernière trace de lui dans le déroulement du monde pourrait tout aussi bien ne pas être –, retentit avec insistance la sonnerie de la porte d’entrée.

C’est avec l’absorption de la dernière goutte qu’a coïncidé la sonnerie. Aussi, Agnès – pleine, comblée, repue – l’a entendue, et en l’entendant a instinctivement appelé Gildas pour qu’il aille ouvrir. Mais Gildas n’entend pas, ne répond pas ; alors, elle se met à réfléchir, et en réfléchissant, pense instinctivement à Vincent qui, durant le gavage, s’est envolé de son esprit ; et en y pensant, et comme retentit pour la seconde fois la sonnerie – ferme, volontaire, impatiente –, elle se met en route, prête déjà, dans sa paix factice et provisoire, à l’accueillir, à se blottir dans ses jeunes bras, à lui extorquer quelques nouveaux et rapides coups d’amour qui imbiberont son apaisement d’oubli.

Ce n’est pas Vincent, mais une jeune fille d’une vingtaine d’années, en laquelle elle reconnaît instantanément une speakerine de la télé...