Ils sont tous là aujourd’hui, qui se sont regroupés, rassemblés, se sont réunis pour organiser en leur nom propre cette considérable fête que les autres mortels ont cru bon depuis des lustres d’ôter définitivement de leur mémoire : en ce jour, ils ne voient que des morts, c’est-à-dire leurs morts, alors qu’il n’y a que des vivants, c’est-à-dire tous les vivants ; c’est-à-dire tous ceux qui, mobiles et respirants, font, de par la grâce du prénom qu’ils portent, traverser l’éternité à tous les saints dont ils ont en eux une parcelle de la luminosité. Alors, puisque ces mortels désormais dans l’ignorance omettent de les célébrer, ils se résolvent chaque année à louer d’eux-mêmes une partie d’azur afin de s’y regrouper, et là se rappeler à leur propre souvenir et marquer de leur empreinte malgré tout joyeuse cette nouvelle étape effectuée sur la route du temps.
Mais il existe une autre portion d’azur qui elle, plus prosaïque, s’enracine dans la terre, à cet endroit particulier du monde où, entre deux artères, une voie est prise, voie ordinaire et tranquille où l’erreur ne s’est pas commise de confondre défunts et saints : à l’heure où le voisinage s’émeut et se recueille – à l’imitation de ses pareils qui par leurs multiples successions, relient la voie aux confins du monde –, chacun dans la rue reste tranquillement chez soi et goûte l’attente du lendemain, seul approprié pour aller visiter et saluer stèles, tombes, catacombes, cairns et cénotaphes...