Nous avons bien protesté au début, mais très vite nous nous sommes rangés de son côté et je crois bien, bien que nous n'en ayons pas parlé, que nous n'étions pas très chauds, dès le départ. A Bombay déjà - avant-hier soir, il y avait beaucoup de monde, bien plus que je ne l'aurais cru, comme quoi Chevalier avait raison lorsqu'il affirmait que notre nom commençait à passer les frontières -, j'ai senti comme une tension, un malaise entre nous. Un malaise partagé car nous n'arrêtions pas de nous regarder, d'échanger des coups d'oeil inquiets - je n'ai jamais vu Stern tant trembler ! - comme si chacun de nous appréhendait la faute chez les autres afin de pouvoir se déculpabiliser de celle qu'ils sentaient devoir faire l'instant d'après. Bref, nous étions tous très nerveux, et le lendemain, quand Stern a éclaté et s'est formellement opposé à aller jouer à Riad, j'ai bien senti que nos protestations - assez timides et pas très convaincantes, je dois le dire ! - étaient de pure forme. Quoi qu'il en soit, je suis ravi de ne pas y aller, même si je reste déçu de ce "contretemps" (au fait, as-tu travaillé ta Sonate ? n'oublie pas ta promesse, je t'écouterai aussitôt rentré) qui m'empêche de connaître Le Caire (où, du reste, nous aurions tout de même pu jouer avant le retour; mais nous n'avons pas insisté, car je crois que maintenant, chez Stern, c'est plus le sang qui parle que la crainte seule, fondée ou non!)...