Mais là, dans la rue V., c’est tout le contraire : non seulement, il ne désemplit pas, mais en outre y passent et y consomment : les fonctionnaires des deux administrations proches, les ouvriers et artisans du quartier, les étudiants et étudiantes de l’Université voisine, les ménagères sur le chemin de leurs courses, les noctambules gris et encore alertes, quelques mélomanes probes, sobres et authentiques, des courtiers d’assurances, des employés de banque, des commerçants oisifs, quelques intellectuels éclairés et possessifs, des chômeurs indemnisés, des retraités en goguette, et un plâtrier. De sept heures du matin jusqu’à deux heures de la nuit suivante, on va et l’on vient, on boit et l’on parle, on s’aime et l’on rit. Roméo, pendant ce temps-là, sert, sans afficher plus d’enthousiasme que cela. Il sert, et, à la suite des Noces de Figaro, pose La Traviata, et, après Il Trovattore, diffuse le Messie de Haendel, et, une fois Le Rossignol achevé, passe des lieder de Wolf en se réservant les deux dernières heures pour le Turandot (celui de Puccini, et non de Busoni, avec Katia Ricciarelli, Eva Marton et José Carreras qu’accompagne l’Orchestre de l’Opéra de Vienne sous la direction de Lorin Maazel – c’est le plus récent enregistrement dont il dispose) dont le finale (celui de Puccini, et non d’Alfano) marque la clôture définitive du bar pour la journée...