Il dispose d’exactement huit mètres carrés de terre qu’il a patiemment rapportés, par petits paquets, de chacune de ses sorties familiales à la campagne et dont il a comblé, sur vingt centimètres d’épaisseur, la petite cour à laquelle lui donne droit sa location du premier étage du numéro 13 de la rue V.
Pour l’heure, elle est encore brute, nue, vierge, telle qu’il l’a prélevée sur les bords des routes entre Senlis et Compiègne, mais il ne doute pas un seul instant qu’elle soit riche, fertile, productive, fructueuse et féconde et que bientôt elle répondra à ses désirs, à ses aspirations, c’est-à-dire la constitution d’une structure agricole et jardinière à demeure, car si les arbres peuvent se réduire à la dimension de plantes en pots, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les asperges (dont on plantera les griffes), les courges, les citrouilles et les potirons (à semer en pleine terre), la laitue, l’oseille et les petits radis (à récolter), les arbres vigoureux (dont on terminera la taille), les espaliers (sur lesquels, chaque soir, on placera des toiles ou des paillassons), le sainfoin, la luzerne et la lupuline (à semer), et les vesces (destinées à servir d’engrais vert), les jeunes avoines (semées en mars et à herser), les fèves et féveroles (à biner), et les carottes (à sarcler, deux fois à quinze jours d’intervalle), les pommes de terre (à sarcler, biner et herser), les betteraves (à semer – du 10 au 25), le maïs (à semer à la fin du mois), les houblons (à planter), et enfin le seigle et le colza d’hiver (à faucher, le premier devant servir au fourrage) ?...