À partir de ce moment-là, Bienvenue n’a plus rien dit, et, après l’avoir longuement regardé, avec comme seule expression sur le visage celle de la bienveillance éperdue, elle s’est rendue dans la cuisine où elle a préparé un plateau, c’est-à-dire du vin et du cidre, puis une pomme et quelques châtaignes et une salade froide composée de pomme de terre, de betterave, de carotte et de navet. Et lorsqu’elle est revenue dans cette pièce qui lui sert en partie de chambre, il était glissé dans le lit dont il avait tiré le drap jusqu’au menton. Seule la tête apparaissait, cette tête qui, les yeux fixés au plafond, indifférents à cette personne qui se tenait debout près de lui porteuse d’un plateau, s’est mise à parler, s’est mise à raconter à nul autre qu’à lui-même des souvenirs d’université où il n’était jamais allé, et des images d’une jeune sœur qu’il aimait trop pour que ça ne soit pas suspect, et les évolutions d’une jeune Italienne dont il n’avait pas su profiter, et les détails d’une noyade dans une eau calme de champs où se terminaient des labours et s’achevaient des semailles, où des fumiers s’épandaient et des arbres se plantaient... Et c’est lorsqu’il s’est tu sur cette noyade – et elle avait compris qu’il s’agissait de la sienne, celle de Quentin, celle qu’il devait s’être réservée et préparé comme fin –, qu’elle s’est mise de nouveau à parler, puis, après avoir posé le plateau, qu’elle s’est glissée elle-même dans le lit pour se rapprocher de lui et aller le réchauffer...