– Et vous-même, pourquoi l’avez-vous reprise ?
– Un jour, il m’a dit – c’était le lendemain de la mort de sa femme : “ J’en ai assez, je vais aller me promener ; veux-tu reprendre la boutique à ma place ? ” J’ai dit : “ Oui. ” Le lendemain, il avait disparu, et il s’est passé six mois avant que quiconque ne le revoie.
– Et que faisiez-vous avant ?
– Avant ? Rien. Je me promenais.
– Et puis ?
– Oui, les papes. Il les étudie depuis des années, depuis toujours peut-être, et les écrit, les classe, les classifie, les inventorie, les commente. Encore aujourd’hui, et malgré son âge, je suis persuadé qu’il pourrait vous en nommer une bonne cinquantaine dans l’ordre chronologique. En les commentant, évidemment, il ne s’agit pas d’une simple récitation.
– Mais il a quel âge au fait, pépé ?
– Oh, je ne sais trop. Je sais que la boutique a été créée en 1906, mais...
– Mais il a au moins cent ans, ton grand-père, Guénolé !
– Comment ça, cent ans ?... »