« Mange ta soupe, Olivier ! »

Le premier mot français qu’Ulrich ait appris, avant même « mademoiselle », « moulin », « rouge »,  « fromage » et  « vasistas »,  c’est : « olivier ».

C’était une image, de ces images telles qu’à une époque on donnait aux écoliers en guise de récompense, et qui, en couleurs crayeuses, représentait un arbre bien vert sur fond de village grec et de ciel bleu.

Dessous, était inscrite cette simple légende : Olivier.

Il avait huit ans et c’était glissé dans un exemplaire d’Er, de Kafka, qui appartenait à sa grand-mère.

Par la suite, en partie grâce à sa grand-mère, en partie grâce à la guerre, il a eu l’occasion d’apprendre bien d’autres mots français, dont « mademoiselle », « fromage », « rouge », « vin », « moulin » et « vasistas », mais toujours est resté en première place dans sa mémoire ce mot de son enfance : Olivier. Aussi, lorsque juste après la guerre est né son premier enfant, et qu’il a découvert dans le même temps qu’il s’agissait d’un garçon et que « olivier » était aussi un prénom, il n’a pas eu l’ombre d’une hésitation en le faisant inscrire sous ce prénom, Olivier.

Olivier a aujourd’hui quarante-trois ans, et il ne veut toujours pas manger sa soupe...