Odilon, c’est Redon, mais c’est aussi un cambrioleur, monte-en-l’air à l’occasion, pickpocket quand il le faut, mais avant tout cambrioleur, comme une passion. Mais ce jour-là, ce n’est pas à la cambriole qu’il songe. Il arpente simplement le trottoir, en ne songeant à rien en particulier. Il a un chapeau, sorte de feutre un peu lâche, un peu gris, qui lui est comme une tente à ses songes. Il ne songe à rien. Il arpente, en regardant de-ci de-là, parfois, le trottoir d’en face, l’immeuble d’en face, et parfois droit devant lui, et une fois droit au-dessus de lui, un étage à un immeuble, une fenêtre à cet étage où le store est baissé...
Ce jour-là devait bien arriver : il est là, il est arrivé. Il ne songeait à rien sous son chapeau gris, et à présent le voilà qu’il songe au store baissé, à l’appartement fermé, inoccupé, et déjà il est à la porte devant laquelle il sort tout son fourbi, de ses poches : des clés, des trousseaux, des tiges, des cales, des outils, des fils, des codes, des abaques, des pinces, des cordes, une torche et des limes... Mais il n’a eu besoin que d’une clef, une simple clef pour ouvrir, puis pénétrer, et inspecter, examiner, fouiller, d’abord le hall ; puis la salle à manger, puis la cuisine, puis la chambre, puis des pièces vides, l’appartement est très grand, puis la salle de bains, puis de nouveau la salle à manger où il ne remarque pas davantage la figure prostrée sur la chaise que s’il s’agissait d’un habit posé là d’une manière excentrique, insolite, de telle sorte qu’il se soit mis dans sa position de fonction lorsqu’un corps l’habite...