On a dit qu’Agathe connaissait de temps à autre des sursauts de conscience, brèves périodes durant lesquelles ses sens s’ouvrent sur l’extérieur. L’épisode du téléphone en avait été un ; celui qui suit en est un autre, moment où les lèvres de son fils s’appliquent avec douceur sur sa joue pâle : ses doigts tout à coup s’immobilisent, quittent le clavier, et, en s’écartant au plus loin du corps qui la domine – sans pour cela quitter sa position assise, ni même bouger d’un pouce de la place précise où elle est assise : seul son buste s’est vrillé pour se pencher exagérément en arrière –, elle s’exclame avec indignation et effroi :

« Eh bien ! qu’est-ce qui vous prend, Martinien ? »

C’est davantage l’emploi du prénom que le ton outré qui les fait tous sourire. Sauf Gabin qui ignore que Martinien est tout à la fois le violoncelliste du groupe et un indécrottable gigolo.

Mais il va l’apprendre bien vite car Prosper, qui en est l’ami et l’imite à la perfection, profite de l’occasion pour en raconter les frasques et en faire, au grand soulagement de tous, le sujet de conversation.

Comme un contrepoint à la rigolade, les gammes de nouveau déferlent, comme si de rien n’était...