C’est du moins ce qu’il se demande en d’autres circonstances, lorsqu’entre elle et lui il n’y a que de la conversation, ou du regard, ou de la distance, ou de l’absence, ou simplement de l’éloignement. C’est-à-dire lorsqu’il n’y est pas, n’est pas tout entré en elle, moments où il ne se pose pas la question et ne prend soin que de lui arracher ses incroyables cris, ses abominables jurons, ses étonnants bonds et soubresauts, secousses édifiantes de son corps meurtri qui subitement se mue en une boule de chair élastique et électrique qui n’en finit plus de se tordre et de se cabrer entre les bras métalliques trépidants... À ces moments-là, Marius ne pense pas ; il opère. C’est-à-dire qu’il accomplit une tâche, un travail, celui qui consiste à transformer la douleur et la souffrance (qu’il a lui-même placées dans ce corps désormais infirme) en la charge d’un formidable jus d’extase qu’aucun autre corps au monde ne saura jamais connaître : chaque coup casse un peu de la calamité et le dernier plonge le malheur dans la félicité... Et lorsque, enfin, l’un et l’autre s’abîment dans le dernier râle, il n’y a plus, encastré dans le siège d’acier et de cuir, qu’un même corps qui n’aspire qu’à ne plus se diviser.
Marius aime Yvette, et elle l’aime aussi. Une fois relevé, retiré et décollé, il remet en place ses effets, remet vite en ordre le corps dont il ne peut supporter la vue ainsi écartelé et immobilisé. Puis il la conduit jusqu’à la salle de bains où il la lave, la frictionne, la recoiffe, la poudre et la maquille. Puis la pousse jusqu’à sa place favorite, c’est-à-dire à la fenêtre d’où elle voit les maisons d’en face et la rue.
« Tiens, regarde !... »