– Marcel ?

– Et le plus terrible, c’est qu’il y est mort ; je veux dire qu’il a le visage que je lui ai vu pour la dernière fois sur son lit de mort. C’est terrible ; et à chaque fois je me réveille prise d’une terreur folle !... Tandis que moi j’y suis bien vivante, et bizarrement, puisque dans un rêve on s’attendrait plutôt à ce que cela soit l’inverse,  je veux dire moi morte et lui vivant, et moi également terrifiée à la vue de cette inversion, ça me comble de joie, et je dirais même de bonheur... Arrêtez-moi là, c’est ici !

– O.K. »

La voiture ralentit et s’arrête en double file devant la porte du numéro 9.

« Et c’est tout ?

– Non. Pas tout à fait. Car autour du cou, il porte toujours en pendentif une petite fiole de verre blanc qui contient du sang – ça en a du moins l’apparence. Et juste avant de me réveiller, je vois invariablement le sang se mettre à bouillonner. À ce moment-là, je me réveille, et je crie, et là, effectivement, c’est tout...

– Curieux... »

Il se tourne vers elle, le bras passé derrière le dossier de son siège, qui lui frôle la nuque.

« Quoique certainement explicable. On se reverra ? »

Elle est déjà dehors, les doigts agrippés à la poignée...