Très troublante, en effet. Et si ce trouble était en grande partie provoqué par ma confrontation avec la reproduction vivante d’un personnage pictural, il y avait aussi la pensée du nom que je lui avais attribué, ce nom de Nadège qui n’était pas le sien – puisque j’ignorais à la fois le titre de la toile et l’identité de la femme représentée – et que je lui avais donné à cause de sa ressemblance avec une lointaine amie qui portait justement ce prénom et que j’avais d’une certaine manière aimée ; et de voir cette Nadège-là nue devant moi, et comme Rolande ne paraissait toujours pas vouloir consentir à bouger, alors que j’étais persuadé que j’étais parvenu au terme de l’épreuve et que je l’avais remportée avec succès – attitude que je ne pouvais prendre que comme une invite, ou en tout cas comme une proposition, ou comme l’indication d’une nouvelle étape avant la fin effective de l’épreuve que la réanimation de son corps devait vraisemblablement marquer –, deux raisons auxquelles s’ajoutait la somme de désir qui s’était accumulée en moi jusqu’à saturation durant cette excitante et éprouvante opération, j’ai abandonné le rôle de l’observateur que j’avais cru bon de tenir durant un moment ; et me suis approché de Rolande ; et, avec douceur et précaution, ai pris possession de Nadège, Nadège immobile et docile, Nadège dont, telle une récompense, j’ai usé comme bon me semblait, utilisant jusqu’à épuisement toutes les possibilités que m’offrait son corps tel qu’il se présentait, son corps dont je n’ai en rien et à aucun instant modifié la position qu’il occupait depuis le début sur la chaise...