Jules est veilleur de nuit. En vérité, cela signifie qu’il dort, ne fait que veiller sur le silence et la solitude : le silence de la rue assoupie, et la solitude qui n’est autre que la sienne puisque le plus souvent il est le seul et unique occupant des lieux.
Mais si la nuit est généralement calme et vide, le jour, en revache, l’est beaucoup moins. En réalité, l’Hôtel V. ne fonctionne presque exclusivement que de jour, et plus d’une fois, Jules s’est demandé s’il ne vaudrait pas mieux qu’il devienne veilleur de jour... Mais de jour pourrait-il dormir ? (Il imagine avec effroi les allées et venues, les va-et-vient, les clients pressés, mécontents, obséquieux, taciturnes, hautains, puis le patron zélé et vigilant, puis... ?) Non, de jour, il ne pourrait pas dormir... Alors, il se renfonce plus profondément dans son siège Morris planté derrière le comptoir ; et dort.
Seule une minuscule veilleuse reste allumée. La porte est verrouillée et porte d’une manière très visible, l’écriteau : COMPLET.
Il sait que cette nuit l’hôtel est complètement vide, et que Raymond en a la clef...