« Maman, il a mangé un morceau de sucre ! il a mangé un morceau de sucre !
– Oui, Gilbert. Tu verras que ça va passer. Je suis sûre que ce soir il va manger. Il s’en sortira, tu verras, il va s’en sortir. C’est fort, les animaux, tu sais. Beaucoup plus fort qu’on le pense, beaucoup plus fort que nous. Ils souffrent tout seuls, en silence, mais c’est pour mieux lutter. Et si le bon dieu leur a pas donné la parole, c’est justement pour cela, pour qu’ils luttent mieux... »
Et ainsi elle a parlé, longtemps, comme souvent elle l’avait fait, pour redonner espoir à Gilbert, pour l’aider à lutter contre l’adversité, mais aussi parce que d’une certaine manière elle y croyait.
Mais cette fois-ci, elle n’en pense rien, sait que c’est la fin, même si malgré tout elle invoque depuis hier tous les saints possibles et imaginables – c’est-à-dire tous ceux qu’elle connaît –, et même celui du jour, St Jean de Capistran qu’elle ne connaît pas, dont elle n’a jamais entendu parler, mais qui, sans nul doute, et à l’instar de ses confrères, ne peut rester sourd et insensible à l’appel d’une mère qui veut que pour son fils le chien Médard vive éternellement...
(Mais aurait-elle prié de la même façon si on lui avait appris que Jean de Capistran avait été un effroyable inquisiteur, et si on lui avait révélé – à elle dont la foi était toute de simplicité et de candeur – que Dieu ne savait pas encore reconnaître les chiens ?...)