« Oui, dit Brigitte, mais qui est ce chacun ? Et pour commencer, qui sont les habitants de la rue ? En d’autres termes, qui a vraiment droit à cette appellation ? » « En effet », approuve Ulrich, et à titre d’exemple, il mentionne les étudiantes du foyer qui en aucun cas ne peuvent prétendre au titre d’habitantes de la rue. « C’est exact », dit Brigitte, « et de ce fait et avant toute chose, il faut que nous définissions exactement ce qu’est un habitant d’une rue. » « Tout à fait », acquiesce Ulrich, « mais ceci fait – quoique j’y voie une certaine forme d’injustice, en ce sens que certaines de ces demoiselles peuvent être là depuis plus d’un an et rien ne nous dit qu’elles n’y resteront pas encore l’année qui vient... » « Ça n’empêche pas », fait Brigitte, « qu’elles soient toutes à considérer comme étant en demeure provisoire, et c’est certainement suffisant pour que le statut d’habitant de la rue ne leur soit pas accordé. » « En effet », souscrit Ulrich, « et voilà au moins un point d’éclairci... Mais ceci fait, disais-je, n’y aurait-il pas encore une difficulté ? » « Laquelle, mon chéri ? » « En effet », fait Ulrich, « ne serait-il pas injuste qu’une personne qui vit seule – comme la demoiselle du 9, par exemple – perçoive la même somme que, disons, l’entrepreneur italien du 6 avec son épouse et ses quatre enfants ? » « Je t’entends », opine Brigitte, « mais je parlais d’habitants, et non d’habitations. » « D’habitants, certes », dit Ulrich, « mais s’il nous est désormais possible de les définir précisément, encore qu’il nous faille encore en discuter, cette formule de demeure provisoire ne me paraissant pas être exempte d’une certaine nuance...