Mais pour l’heure il n’en redemande pas : il en a plein les moustaches, le menton, les yeux, les cheveux ; plein aussi la bavette, cette bavette du temps où chez lui physique et mental faisaient bon ménage et qui lui a été remise comme une coquetterie que Brigitte sa mère lui aurait concédée ; plein aussi les manches et les jambes, et les mains qui se sont substituées à la cuillère, pauvre petit instrument d’insuffisance devant désormais coucher à terre ; plein aussi, ou peu s’en faut, son écuelle – et il s’agit bien d’une écuelle, de celles rondes, larges et profondes (en plastique blanc, lavable et incassable) que l’on destine généralement aux chiens –, son écuelle qui, malgré les débordements, semble pouvoir encore largement le contenter avant que, effectivement, il en redemande – et à ce moment-là il braillera – ou soit rassasié – et il s’assoupira.
De tout cela, Brigitte et Ulrich, à ce moment-là, ne se soucient guère. Ils ont trop à faire, c’est-à-dire, après s’être entendus sur une définition convenable de l’habitant de la rue (« et habitante ! » a souligné Brigitte en levant l'index), puis mis d’accord sur un partage équitable par tête de pipe avec cinquante pour cent alloués aux enfants ne subvenant pas à leurs besoins, et enfin avoir dressé un plan de la rue comportant ces mêmes habitants, à attribuer à chaque logement le nombre de parts qui lui est dû...