Dans la chambre de Gildas, il y a deux portes : l’une qui donne sur le couloir et se trouve dans le prolongement du lit : c’est celle qu’emprunte Vincent pour entrer ; l’autre qui donne dans la salle de bains, diagonalement opposée, à droite de la fenêtre : c’est celle qu’il emprunte pour passer dans les autres pièces de l’appartement. Et c’est précisément celle-là qui s’ouvre, Vincent en reconnaît parfaitement les gonds, lui qui de sa place ne la voit pas puisque entre elle et lui il y a le secrétaire-penderie dont le volume parvient à le dissimuler entièrement. Il entend la porte s’ouvrir et pivoter, et avant même de la voir apparaître il sait que c’est elle, il sent que c’est elle, Agnès, mais qui d’autre sinon ? Il se tend sur son siège, se lève brutalement, enfouit maladroitement la lettre dans sa poche, tandis qu’elle se dessine en contre-jour sur les rideaux jaunes de la fenêtre, lourde, pesante, grasse, hommasse. Elle lui fait face et aussitôt il a un mouvement de recul, à peine marqué, mais qu’elle semble pourtant noter, malgré l’ivresse qui lui brouille la vue et lui engourdit la tête. Elle ne dit rien, et n’a rien à lui dire : elle pose un regard trouble sur son fils qui triture ses cordes tandis que Vincent la dépasse et s’engouffre dans la salle de bains...