Vincent entre, et c’est à peine s’ils se saluent, à peine s’ils se regardent. Vincent prend spontanément sa place attitrée, à l’opposé du cosy, sur un tabouret de plastique dont le siège est le visage grimaçant de Van Allen et le corps une constellation de croix gammées ; Gildas plaque un nouvel accord, qu’il fait suivre de l’ébauche d’un solo disloqué agrémenté d’une imitation sonore de son cru, la guitare n’est pas branchée. Puis il y a le silence, et la chute d’un processus d’immobilisation qui les figent tous deux : l’un songe à ses idoles, tandis que l’autre ne songe à rien, ou peut-être à son tout récent tourment, qui l’a amené là alors qu’il ne devait pas y être, alors qu’il ne devait pas monter, plus monter, parce qu’il y avait la lettre qui, au lieu d’être dans la boîte et signifier ainsi sa volonté ferme de ne plus monter, se trouve en boule au fond de sa poche. Et puisqu’il y pense, il y porte la main ; l’extirpe et commence à la défroisser – Gildas esquisse un léger mouvement de tête en sa direction – et sans tenir compte de l’autre, l’aplatit sur sa cuisse avant de la relire.

« Ouatize caisse ? » fait Gildas.

Vincent considère le nez, puis la bouche dessous qui vient de s’exprimer.

« Rien », fait-il.

Au passage, il accroche les masques ignobles de Motlet Crue au-dessus du lit. Aussitôt la terreur revient, et il se rend compte tout à coup que le temps de la lecture elle avait disparu...