Ainsi, cette graine d’étymologie qu’était Épiphanie ne regardait pas. Et n’écoutait pas. Ou du moins ne regardait-elle et n’écoutait-elle que lorsqu’elle se taisait. C’est-à-dire lorsqu’elle ne marchait pas. Car la marche semblait être chez elle un combustible indispensable au bon fonctionnement de ses cordes vocales, carburant d’une machine tout à la fois émettrice et réceptrice de paroles, car c’est à elle-même qu’Épiphanie parlait, c’est elle-même qu’elle écoutait, son corps agissant alors tout à la fois comme haut-parleur et écouteur. Et à peine ses jambes s’étaient-elles immobilisées, arrêt brutal et subit, comme si quelque chose en elle les avait soudainement anéanties, qu’elle se taisait. Et regardait. Moi en l’occurrence qui à présent lui faisais face au seuil de la porte d’entrée de son immeuble. Je lui ai laissé le soin de la pousser, ce qu’elle a fait un peu poussivement, cela m’a étonné car je ne pouvais imaginer que cette somme idéale de muscles qu’elle représentait ait pu avoir, à l’image de ses facultés mentales, une quelconque aspérité. Et pourtant ! Et j’ai même dû lui offrir mon aide, qu’elle a refusée, avant de m’apprendre qu’elle habitait au troisième, occasion pour elle d’embrayer sur un nouveau soliloque, et pour moi de la contempler de plus belle tandis qu’elle me précédait dans les escaliers...