Ainsi, c’était terminé, ils s’en étaient allés, et durant un temps, nous sommes restés là sur le trottoir, sans mot dire et parfaitement immobiles. Puis, dans un même ensemble, et toujours sans le moindre mot, nous sommes rentrés, toi d’abord et moi qui t’ai suivie avec l’inexplicable refus de te regarder gravir les deux marches et entrer, comme si de te regarder à ce moment-là aurait provoqué ton évanouissement, ton évaporation dans l’air. Et, toujours sans te regarder, je suis rentré, te laissant le soin de refermer la porte derrière moi. Et à ce moment-là seulement, je me suis retourné, et t’ai regardée : tu étais de profil, l’épaule contre le battant, achevant de verrouiller la serrure ; et durant un temps, tu es restée ainsi, à sentir sur toi mon regard et à évaluer le temps qu’il te faudrait pour te résoudre à briser notre immobilité. Puis tu as enfin tourné la tête et tu m’as regardé, et de nouveau j’ai retrouvé sur ton visage cette première luminosité qui, de nouveau, m’a fait défaillir ; mais cette fois, tu l’as remarqué, tu l’as senti et tes mains sont venues me prendre le visage ; et instantanément tout s’est stabilisé, tout a repris son ordre, et comme si ce n’était pas suffisant, tu as approché ton visage du mien, et tes lèvres des miennes, et sans quitter un instant mon regard qui lui-même ne te quittait pas, tu m’as embrassé du bout des lèvres, simplement, tes lèvres contre les miennes, simplement posées sans que les unes ou les autres ne cherchent à s’entrouvrir, et sans qu’elles ne se désunissent ni notre regard ne se quitte, tu m’as attiré à toi, m’a emporté dans ce court mouvement qui a attiré, puis plaqué ton dos contre la porte...