Elle est belle, Élodie ; et sa mère le sait bien, qui pourtant n’en dit rien, ne laisse rien paraître de sa conscience de cette beauté (dont secrètement elle tire une grande fierté), préférant les mimiques et les mamours que continûment elle adresse au miroir de la salle de bains.

Et Élodie souvent lui dit :

« Edwige », puisqu’elle appelle sa mère par son prénom, « je ne comprends pas comment tu peux rester toute la journée enfermée à la maison ! Tu devrais sortir, bouger, voir du monde, avoir des activités, faire des connaissances, t’intéresser à des choses, regarder autour de toi, sonder le monde, t’ouvrir à l’extérieur, bref vivre au lieu de rester confinée entre tes quatre murs, à tourner et à errer, habillée comme si tu sortais...

– Ou comme si je revenais... »

Et c’est vrai qu’Edwige est toujours habillée – et l’expression est juste – comme si elle sortait ; c’est-à-dire qu’elle se pare et se prépare, qu’elle se fait belle et élégante, passe toutes ces matinées devant sa garde-robe considérable au choix minutieux de sa mise pour la journée, mise en laquelle on ne trouvera jamais la moindre faute de goût et qui ferait dire à ceux qui, par extraordinaire, seraient amenés à la voir ainsi vêtue – et par là même, à la contempler – qu’elle est d’une élégance rare...