Et tandis qu’Émile et Honoré bavardent, que Robert chargé de son sac pousse sa porte du pied, que les affreux jumeaux investissent le lieu d’héritage, qu’Anselme prend quelques clichés de cette subtile variation de la scène, Didier se débraguette et, de la fenêtre de sa chambre à l’arrière du second étage du numéro 13, compisse généreusement l’humus expérimental du jardin miniature de Robert.

Rien ne l’anime en particulier, si ce ne sont la flemme et l’ennui : la flemme de faire les quelques pas qui le séparent des toilettes de l’appartement, l’ennui de cette fin d’adolescence ordinaire et sans éclat dont il reporte toute la responsabilité – à ces moments où la poix de sa cervelle lâche un peu de lest – sur la meute mouvante et agissante qui l’entoure et dont Robert, le voisin du premier, est un excellent prototype.

Didier n’est ni jaloux, ni envieux, ni même haineux, mais lorsqu’il voit Robert s’agiter, se démener, se vouer tout entier à son rêve d’agriculture en chambre, il se dit que cet excès de passion et de vitalité est inique, qu’il n’est pas normal que les choses soient si mal distribuées, et si Robert a trop de ce que lui n’a pas, c’est qu’il l’a ravi, dérobé, volé : Robert est un dérobeur, un voleur, et qu’il l’ignore ne fait qu’aggraver sa faute ; c’est pour cette ignorance que Didier, un jour proche, ses semences germantes conchiera...