Sur le coup, il n’y a pas cru ; s’est dit que ce n’était pas possible que ce soit justement à ce moment-là, moment où il succombait au sommeil après ses huit nuits pleines d’éveil – et il lui en avait fallu du courage et du café, à lui qui croit ferme à l’horloge biologique et ne dépasse jamais le cap des vingt-deux heures –, que cela s’était produit.

Justement à ce moment-là : comment est-ce possible ?

Pourtant, ça l’était, puisqu’il l’avait entre les mains, et en l’ayant sous forme d’objet tangible et visible, il était bien forcé d’y croire, de se rendre à cette évidence qui voulait qu’un œil rusé et plus tenace que le sien l’avait observé et avait veillé à ce que, coûte que coûte, tout se passe comme à l’accoutumée.

À malin, malin et demi, et cela Denis ne pouvait le supporter. Alors, sans même en prendre connaissance, sans même se donner la peine d’en ôter la bande – et peut-être était-ce aussi une autre manière de se convaincre de sa matérialité, alors que, malgré tout et à tout hasard, il avait tout au fond de lui une minuscule niche destinée aux miracles et autres phénomènes d’outre-sens –, il s’est acharné sur le malheureux imprimé ; l’a déchiqueté, l’a réduit en miettes en se privant ainsi à jamais de la connaissance des quelques lignes en page 3 qui lui étaient consacrées...