D’un geste presque mécanique, il froisse la feuille, la jette. Puis considère la suivante, blanche, immaculée ; il s’apprête à écrire de nouveau, mais brutalement il la prend entre ses doigts, et froisse, et jette. Mais dessous, il y en avait une autre, tout aussi vierge et blanche. Il s’en empare et la réduit en une boule, qu’il jette. Et comme il considère la suivante, il se prend à rire ; et comme il s’en saisit et la froisse, il rit de plus belle et la jette. Et ainsi de suite, une à une, il les attrape toutes, les froisse et les jette toutes, jusqu’à épuisement total du tas ; jusqu’à ce qu’il n’y ait plus devant lui que son feutre et des minuscules bouts de rire qui pleuvent sur l’envie qui le saisit de tout abandonner...

L’espace entre la table et la porte ouverte sur le couloir n’est qu’une jonchée de ces balles de poésie avortée, et lorsque le téléphone se met à sonner – dans le séjour, à l’autre bout de l’appartement –, il n’ose se lever, n’ose y aller, de peur de devoir en chemin les écraser. Ou pire, de les déplacer...