C’est à côté d’Aymar que Léa s’est assis, au comptoir, sur l’un des hauts tabourets de bois au siège feutré.

C’est à peine s’il l’a remarqué : il lui a juste concédé un coup d’œil avant de lever haut la jambe pour monter sur le siège comme s’il s’était agi d’un cheval ou d’un quelconque autre animal à quatre pattes qui lui aurait permis de gagner l’autre bout d’une pampa héroïque pour laquelle il a l’air d’avoir été spécialement dessiné.

Car il a l’air d’un personnage de bande dessinée, Léa. Corto Maltese, par exemple, dont il a sensiblement le profil. Mais pas la casquette ; la casquette est dévolue à Aymar qui en porte une superbe sur le haut de son crâne chauve. Superbe et grande, quoique grande ôtée, car une fois sur la tête d’Aymar, elle rapetisse, diminue, n’est plus qu’une chose étriquée et comme recroquevillée, tant la tête d’Aymar est plus grande et plus grosse qu’elle, grosse tête qui, s’il n'y avait le corps sur lequel elle est posée – car elle semble simplement posée, paraît ne tenir que par le seul pouvoir des lois les plus élémentaires de l’équilibre –, aurait paru énorme, démesurée, mais qui là, sur ce corps énormément gras et envahissant, n’est plus qu’une petite chose réduite, étriquée, compressée, dont le pneumatique du cou – une gonflure de peau qui dissimule à tous les regards, et de quelque côté que l’on se trouve, la totalité du col de sa chemise et le nœud de sa cravate – ne fait que renforcer la fragilité...