C’est tombé un peu abruptement, comme Romain le voulait, et, comme il s’y attendait, Fiacre ne répond pas de suite ; semble même n’avoir pas entendu. Mais Romain ne le pense pas ; il sait que Fiacre a parfaitement entendu et qu’il s’accorde un peu de temps et d’immobilité afin de tout bien peser, encore que Romain se doute qu’il a déjà tout préparé, ou du moins y a beaucoup pensé, sachant pertinemment que la question serait tôt ou tard soulevée. Alors, il ne dit rien, et attend ; laisse à son ami le temps nécessaire à l’élaboration d’une réponse qui, courte, juste et franche, pourrait éventuellement tout résoudre, ou pour le moins les soulager l’un et l’autre d’un surcroît de commentaires et de questions – donc de peine – que ni l’un ni l’autre n’ont envie d’aborder. Et il semble bien à Fiacre que ce qu’il se prépare à dire, puis qu’il dit en se tournant enfin vers Romain, remplit assez parfaitement cette condition :

« Il s’appelle Aristide, il a eu quinze ans le 3 juin, et il va bien. »

Et en effet, il semble bien que Fiacre soit tombé juste, car Romain ne trouve rien à dire, à redire, à répondre. S’il est réellement satisfait, on ne sait, mais pour toute réponse, il se contente de soupirer, puis de détourner les yeux, et part lentement en direction de l’appentis d’où il ressortira muni de deux bouteilles de son petit rouge clairet qu’il ira poser sur la table de jardin autour de laquelle ils discuteront de problèmes de fermentation alcoolique en s’envoyant moults petits gorgeons...