Non, je n'ai pas pensé à tout cela ; j'ai pensé : y aller, c'est tout. Et j'y suis allé, et entre ce moment où la pensée de venir, de me présenter à elle m'est venue et celui où je me suis retrouvé assis en face d'elle avec ce gros bureau entre nous deux, pas un instant je n'ai pensé à autre chose, pas un instant je me suis demandé comment ça allait se passer... Voilà à quoi je pensais tandis qu'elle me livrait pour la seconde fois son "eh bien, je vous écoute..." Bon, elle m'écoutait, et alors ? J'ai déjà dit que je ne m'attendais à rien, et peut-être bien que dans mon esprit, dans un recoin très loin de mon esprit, il y avait cette possibilité, cette version des faits, qui aurait décidé le silence, l'immobilité, le mutisme, une espèce d'arrêt, de suspension du temps, du monde, une sorte de cellule particulière détachée de tout dans laquelle il n'y aurait eu que ce bureau et nous deux, assis comme nous l'étions à ce moment-là, à ne rien dire et à attendre, à peut-être même pas nous regarder, simplement être là, juste être là pour signaler, marquer, révéler notre existence, notre seule existence, et c'est tout...