Et lorsque les deux garçons sont entrés dans la chambre et qu’elle a remarqué le second, le second à passer le seuil, celui qui immédiatement l’a vue et regardée, ce n’est pas un garçon qu’elle a vu et regardé, ni même un corps d’homme, ou quelque autre sorte de corps que ce soit, mais un regard, un simple regard fixé sur elle et dans le sien, un regard en état de rencontre avec sa présence, en état de conscience avec son évidence. Et ce regard, elle le connaît bien ; elle l’a tant de fois vu posé sur elle qu’elle n’en est plus surprise ni étonnée, qu’elle le soutient et même l’aide et l’encourage lorsque, comme ça a été le cas cette fois-là, il ne parvient plus à se détacher d’elle, reste irrémédiablement imbriqué dans le sien...

D’Aimée Angèle est aimée, mais si Aimée aime Angèle, ce n’est pas parce qu’elle est aimable, mais bien parce qu’elle en a décidé ainsi, décidé de l’aimer, et dès leur première rencontre, à ce moment précis où Angèle a posé sur elle son premier regard dans lequel elle n’a pas vu la contemplation de l’évidence et la reconnaissance de la justesse, mais l’expression du simple désir. C’était la première fois, jamais on ne l’avait regardée de cette manière auparavant, et à cette expression inédite qu’on lui infligeait – non plus repos, mais pénétration du regard –, elle devait répondre et s’offrir, et placée dans cette situation, elle a décidé de lui renvoyer son désir, mais chargé du sien...