Je suis en train de l'achever, rien de bien extraordinaire. C'est le premier de lui que je lis. De lui, je savais que « l'homme est naturellement bon », je connaissais l'herbier, la tendance très prononcée pour la nature, donc le côté naturaliste, voire bucolique, et pourquoi pas écologiste (je crois bien qu'il a été récupéré dans ce sens), une certaine distance vis-à-vis de ses semblables, sans empêcher pour cela l'humanisme... Tout est là, en compact, condensé. Il prône l'humilité, la flânerie, le règne de l'intérieur. Bref, il se pose d'emblée comme un homme bon et pas très mécontent de l'être. Tout cela ne serait pas trop mal s’il n’y avait eu un petit passage assez surprenant  – et même inquiétant – au sujet des enfants. Où il dit, en substance :

« On me reproche de ne pas aimer les enfants parce que j'ai laissé les miens aux Enfants-Trouvés. » (la DASS de l'époque, j’imagine). « Que non point, car si je les ai abandonnés », (ce n'est pas le mot qu'il emploie, mais c'est du pareil au même) « c'est parce que je savais que de les confier à leur mère, ou pire à la famille, leur aurait interdit toute chance d'une bonne éducation. Celle que leur donnera les Enfants-Trouvés sera de toute façon supérieure et plus salutaire. » Puis il explique en quoi il peut se targuer d'aimer les enfants, et particulièrement ceux des autres. Je passe les détails. Quoi qu'il en soit, c'est de très mauvais goût, ou pour le moins, ça pue la mauvaise foi... Voilà un type d'humanisme qui me semble pour le moins singulier (et ce sont davantage ses arguments que l'acte en lui-même que je vise). Détail curieux au sujet de cet exemplaire de la Bibliothèque Mondiale (j'en ai beaucoup vus aux puces sans jamais en prendre un) : c'est la première fois que je vois un livre non paginé...

 

21 janvier 1991 (dans une lettre à Marcel)