J'ai reçu le dernier né de Jean-Stéphane. Soixante-treize pages ; pour l'heure, le plus épais. Je l'ai lu dans la journée, pris entre l'intérêt, la curiosité et l'agacement. De nombreuses choses m'ont agacé dans cette curieuse histoire d'amour dominée par la haine, le dégoût, la perversion, le masque, le mensonge, la désillusion, histoire qui par bien des côtés m'a fait penser à un quelconque roman moderne, et c'est surtout cela qui m'a agacé. Plus d'une fois, j'ai écarquillé les yeux à la convention de certaines situations, des dialogues en général ; face à la facilité de certains propos, portes ouvertes et lieux communs. En même temps, il y avait ce petit quelque chose qui me retenait, qui faisait et a fait que je suis allé jusqu'au bout. Et c'est à la fin que tout se dénoue, que tout se rétablit. Que se passe-t-il exactement ? Que s'est-il passé ? Je veux dire : qu'est-ce qui s'est produit qui m'a tout à coup perturbé, ou, pour reprendre le mot que je lui ai adressé, retour et rappel à ma précédente lettre, décontenancé. Décontenancé, perturbé, déboussolé. Il y a les deux dernières pages et tout à coup, au dernier mot, qui pourtant n'est pas plus fort ni plus faible qu'un autre, je me suis retrouvé dans cet état particulier que je ne connais plus souvent, et de moins en moins, à savoir l'état de perturbation. Un flou s'installe, me prend, me domine ; je repense à toutes ces pages que je viens de lire, et je suis étourdi : que s'est-il passé ? quel est cet étrange texte ? comment puis-je en parler ? comment puis-je le définir ? ou plutôt comment pourrais-je définir, expliquer, analyser cet état dans lequel il m'a plongé, état très similaire à celui que j'ai connu à la lecture d'Est-ce l'éphémère ?, état qui m'avait fait dire : quel drôle de type... J'en ai parlé à Sue, ou du moins j'ai tenté de lui en parler, car j'en ai été incapable. Je n'ai fait que répéter : quel drôle de texte, quel drôle de type. (Comment aurais-je jugé un tel texte si je n'en avais pas connu l'auteur ?)...