Suite à la lecture de La Daurade, Yuki m’écrit : « Je me suis intéressé également à un passage qui concerne l’amitié (de Proust ). À moins que je ne me trompe, dans le roman “ À la recherche du temps perdu ”, l’amitié est assimilé au meuble (quelque chose banale). » Je lui réponds : « Je ne saurai te répondre au sujet de Proust. J’ai lu à plusieurs reprises (et il en parle lui-même dans La Recherche) qu’effectivement il considérait l’amitié comme quelque chose d’accessoire, voire d’inutile. Je n’ai malheureusement pas retrouvé les passages en question lorsque j’ai écrit le texte et je n’ai fait que mentionner le fait. S’il a assimilé l’amitié à un meuble (ou à un objet), je n’en ai pas le souvenir. C’est fort possible, mais comment retrouver ce détail dans la masse d’écrit que constitue La Recherche ? À tout hasard, je vais consulter toutes mes notes prises au cours de la lecture, je le retrouverai peut-être… » Je n’ai pas tout consulté (il y en a tant), n’ai fait que survoler, pour ne rien trouver. Il y a dix minutes, je feuilletais le Marcel Proust de Pierre Chardon avant de le ranger et suis tombé sur un passage où il écrit ceci : « Proust ne croyait pas à l’amitié. C’était pour lui un sentiment artificiel, un trompe-l’œil de l’amour une duperie du cœur. Pourtant, il était si affamé d’affection, de confiance, qu’il se livrait entièrement à l’amitié, si décevante qu’il la crût, et qu’il lui donnait fidélité et dévouement sans restriction. Il fut d’ailleurs payé de retours et il eut des amis admirables. L’amitié joue un grand rôle dans son œuvre mais comme sentiment annexe, inutile, fragile et même dangereux puisqu’il peut conduire à l’abdication de soi ; l’amitié, le plus souvent, est une simulation. Proust exprime sans cesse à ce sujet un immense désenchantement, une certitude de solitude. Dans son dernier volume, Le Temps retrouvé, il balaye les affections humaines et juge durement leurs manifestations. »
7 mai 2018