Je n'ai pratiquement rien lu de lui, mais il m'intéresse en tant que personnage. Philippe Bidaine en parle, Jean-Philippe Reverdot le fixe (du moins l'idée de Pessoa, c'est-à-dire, évidemment, Lisbonne). Le texte est un peu prétentieux, boursouflé, mais ça passe. Rien à dire des photos qui, en outre, me semblent excessivement sombres (est-ce le tirage, l'impression, la volonté de l'auteur ?)... En notes des propos de Pessoa : « Si je ne possède pas mon propre être, comment pourrais-je posséder un être étranger ? » Il y a là quelque chose d'idiot qui me fait dire que c'est justement l'inverse : c'est parce que l'on ne peut se posséder soi-même que l'on peut posséder l'autre (posséder : l'un des mots les plus ambigus de la langue qui, immanquablement, à chaque fois que je le vois, me trouble, me donne le vertige, et, immédiatement, me fait penser à SdeF). C'est à la page 16. Autre page, 46 : « Aimer, c'est se lasser d'être seul ; c'est donc une lâcheté, une trahison envers soi-même (il importe suprêmement de ne pas aimer). » Seul un être qui n'est pas aimé peut penser et écrire une chose pareille. C'est donc invalide ; ou ce n'est que de la littérature, une formule pour faire joli, la vague tentation, plus ou moins inconsciente, de prétendre à une place dans le dictionnaire des citations... Même page : « Nous n'aimons jamais quelqu'un. Nous aimons uniquement l'idée que nous nous faisons de ce quelqu'un. » Évidemment juste, et terriblement banal. Proust l'a autrement mieux dit. Ici, c'est du pur lieu commun. Que le rapporteur ne s'en soit pas aperçu en dit long sur sa perspicacité en matière d'écriture, et de réflexion. À rapprocher de la prétention et du boursouflage... Page 49 : « Pour être heureux, il faut savoir qu'on l'est. » Porte ouverte, sans compter que c'est bête. J'y introduirai cette autre clef : pour être heureux, il faut savoir que ça n'existe pas... (Une phrase sans rapport qui figure sur le marque-pages : « L'art, c'est l'incessant aller et retour entre l'inconscience et la conscience de lui-même... » Je me demande parfois ce qui me prend de me lancer dans la vanité de telles formules... Page 50 : BRÉHAIGNE... « Stérile », dit le Larousse 1923. Ou, Vx, « se dit des femelles des animaux domestiques ». D'où ce mot peut-il venir ? provenir ? Grec ? latin ?

19 octobre 1996