Je lis Perec sur le balcon (il fait un peu froid, mes mains attestent). J’entends une voix familière, celle du cycliste à la prothèse (jambe droite à partir du genou) que j’ai croisé à deux ou trois reprises sur la digue – je ne l’avais jamais vu auparavant. Il est en short et en tee-shirt, a l’air d’aller d’un bout à l’autre de la digue, s’arrête à tout bout de champ pour bavarder – il semble connaître tout le monde –, parle d’une voix gouailleuse et tonitruante avec un accent du nord caricatural (l’autre jour, il donnait une recette d’huîtres à un homme, à la crème fraîche et au cognac). Il est d’une gaieté et d’un tonus agaçants – qui peuvent très vite devenir agaçants… (J'en suis à la page 332, l’histoire d’Olivier Gratiolet, amputé d’une jambe.) Perec décrit les personnages et leur environnement comme les images, les tableaux, les objets qui composent cet environnement : tout est figé. La vie mode d’emploi est un gigantesque tableau qui les contient tous… (Je pourrais aisément constituer une sorte de Tentative de description de choses vues depuis la loggia de Mola – c’est, du reste, ce que je fais mentalement ; et incidemment, un peu, dans mon journal…)