« Nous ne pouvons que deviner les raisons qui
l’ont amené à le tenir ; lui-même n’en dit rien. Nul doute que ses motifs sont divers. Ce qui a pu
l’inciter à l’entamer, c’est l’excitation politique des
derniers mois de l’année 1659, à ce moment où il était
manifeste pour tous que le Commonwealth était en train de
s’écrouler ; il est certain que le sujet de la
restauration tient une large place dans les premières entrées. Il a pu de
même être influencé par les écrivains et les prêcheurs puritains de sa
jeunesse qui enseignaient la valeur du journal en tant que moyen de discipline
morale. Son journal porte des traces de cette influence dans les
comptes-rendus mensuels et annuels où il récapitulait l’état de
ses affaires. Mais il est plus fortement probable que le besoin qu’il ait
ressenti de s’organiser et de se discipliner soit né, à l’origine,
de son tempérament plutôt que de la religion. La méticulosité de son écriture
est significative ; ainsi que son souci de classer les livres par taille
et de tenir régulièrement ses comptes. Pourtant, au-delà de sa passion pour
l’ordre, il était spontané et enthousiaste, et le journal
était peut-être le moyen de réconcilier ses qualités opposées. Il
aimait la vie pour sa variété ; en même temps, il était
tracassé par le désordre. En passant au crible les événements emmêlés de sa
mémoire et en les rassemblant dans un journal aux lignes
méticuleusement tracées, il pouvait leur imposer quelque semblant de maîtrise. »