
Journée de travail. Habituelle.
Ce midi, je suis allé acheter le Bibesco, après une hésitation,
du seul fait qu'il ne s'agissait pas d'une vieille édition (mon comportement a
bien changé depuis un an). Mais devais-je me priver du plaisir de le lire sous
ce seul prétexte, d'autant que le prix est modique et je suis sûr qu'au-delà, je
ne l'aurais pas acheté, aurais préféré attendre, même longtemps, de le trouver
en ancien. Je l'ai aussitôt entamé dans le métro. Je l'ai presque
achevé. C'est un étonnant témoignage. Auparavant, je me demandais
ce que pouvait dire de Proust une femme qui finalement l'avait très peu vu et
connu et à qui il n'avait écrit que quatre lettres. Mais c'était oublier Antoine
et Emmanuel, les cousins, et Fénelon, dont les lettres – du moins celles que
Marcel leur a écrites – sont la principale base de ce livre. Mais il y a aussi
elle, princesse, elle et son monde, elle et la Roumanie, elle loin d'être
insignifiante et dont la plume et le jugement sont tout à fait « intéressants ».
Je doute fort qu'il y ait un changement d'ici la fin, et je peux d'ores et déjà
te dire qu’en ce qui concerne Proust et sa connaissance, il s'agit d'un
des plus beaux et plus marquants livres qu'il m'a été donné de lire (plus
importants aussi). Certaines lettres, qui certainement doivent
faire partie de la correspondance Plon sont époustouflantes. Plus que jamais, je
l'aime, Marcel…
16 janvier
1990 (dans une lettre à Marcel)