« Le
diable au paradis », Wittlin. Un Polonais, lui, qui s’oppose au joug
soviétique. Il s’ensuit, bien sûr, arrestation, brimades, coups, prison,
déportation. Il est en Sibérie pour douze ans. Il raconte tout cela, et en lisant,
je me demande ce qu’il en serait si cela devait m’arriver. C’est-à-dire :
est-ce que je le raconterais ? Oui, sans doute. Mais est-ce que je le
publierais, est-ce que je le ferais connaître ? En d’autres
termes : compte tenu de la relative « banalité » de ce type de
récit dont on trouve tant d’exemples dans la littérature, est-il bien
utile, encore, de les faire connaître, de les faire lire ? Témoignage,
oui, sans doute. Mais qu’est-ce que cela peut apporter d’autre à
partir du moment où tout est dit dans ces quelques mots : dictature,
répression, torture, injustice, incarcération ? Qu’est-ce
qu’un énième témoignage, qui sera le calque de précédents, peut ajouter ?
Je lis pourtant : curieux, attiré, révolté, écœuré. Je lis, mais dans
le même temps me pose la question de l’intérêt et de l’utilité
d’une telle lecture tout en comprenant parfaitement et en imaginant bien
qu’il était de la plus grande importance pour Wittlin de faire connaître
ce qui lui était arrivé, à lui comme à d’autres…